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Des chercheurs ont trouvé comment préserver « Le Cri » de Munch

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European Synchrotron Radiation Facility

View of the ESRF, the European Synchrotron

image: View of the ESRF, the European Synchrotron, Grenoble, France. view more 

Credit: Credit: ESRF/Stef Candé

Des scientifiques ont démontré que l’humidité était la principale cause de la dégradation du chef-d’œuvre d’Edvard Munch, Le Cri (1910 ?), et ce, en combinant les rayons X de l’ESRF, le Synchrotron Européen de Grenoble et des analyses in-situ au Musée Munch d’Oslo. L’équipe scientifique internationale, dirigée par le CNR (Italie) est venue à l'ESRF, le Synchrotron Européen (Grenoble), la plus intense des sources de rayons X au monde, pour mener des expériences non destructives sur des micro-échantillons provenant de l'une des versions les plus connues du Cri (1910 ?), conservée au Musée Munch, Oslo. Les résultats pourraient aider à mieux préserver ce chef-d'œuvre, rarement exposé en raison de son état de conservation. L'étude est publiée dans la revue Science Advances.

Le Cri fait partie des œuvres les plus célèbres de l'art moderne, symbole de l’anxiété et de l’angoisse. Il existe plusieurs versions du Cri : deux versions peintes, deux pastels et plusieurs gravures lithographiques, ainsi que quelques dessins et croquis. Les deux versions les plus célèbres sont les versions peintes par Edvard Munch en 1893 et 1910. Chaque version du Cri est unique. Munch a clairement expérimenté des mélanges pour trouver les couleurs vives accentuant la représentation émotionnelle de l’œuvre et l’effet de propagation du cri, mélangeant ainsi divers liants (tempera, huile et pastel) à des pigments synthétiques de couleurs vives. Malheureusement, l’utilisation intensive de ces matériaux nouveaux à l’époque de Munch pose des problèmes pour la préservation des œuvres sur le long-terme.

La version de 1910 du Cri, propriété du Musée Munch d’Oslo, Norvège, montre clairement des signes de dégradation dans différentes zones du tableau où des pigments à base de sulfure de cadmium ont été utilisés : le jaune de cadmium a viré au blanc cassé dans les nuages du coucher du soleil et autour du cou du personnage central. Dans le lac, la peinture jaune s’écaille. Au fil du temps, plusieurs éléments ont contribué à la détérioration de ce chef-d'œuvre : les pigments jaunes utilisés, les conditions de conservation et le vol du tableau, disparu pendant deux ans.

Depuis que ce tableau a été retrouvé, il a été rarement exposé au public. Il est conservé dans une zone protégée du Musée Munch, à Oslo, dans des conditions contrôlées d'éclairage, de température (~ 18°C) et d'humidité (~ 50 %).

Une équipe internationale, dirigée par le CNR (Italie), avec l'Université de Pérouse (Italie), l'Université d'Anvers (Belgique), le Synchrotron européen (ESRF, France), le synchrotron allemand (DESY, Hambourg) et le Munch Museum (Oslo, Norvège) a étudié en détail les jaunes de cadmium utilisés par Munch et, comment ceux-ci se sont dégradés au fil des années. Les résultats fournissent des indications précieuses sur le mécanisme de détérioration des pigments, et, par là-même, des informations importantes pour la conservation du tableau.

«Les analyses synchrotron nous ont permis d'identifier la principale raison de l’altération des couleurs du tableau, à savoir l'humidité. Nous avons également prouvé que l'impact de la lumière dans ce cas est mineur. Je suis très heureuse que notre étude puisse contribuer à préserver ce chef-d'œuvre si célèbre. », explique Letizia Monico, scientifique au CNR, auteur de cette étude.

Trouver la bonne formule de conservation

Après avoir mené des analyses spectroscopiques in-situ au Musée Munch d’Oslo en utilisant les équipements portables de la plateforme européenne MOLAB, les chercheurs sont venus à l’ESRF pour étudier des micro-fragments de peinture en combinant différentes techniques synchrotron - la micro diffraction des rayons X, la micro-fluorescence X et la spectroscopie d'absorption des rayons X. A l’ESRF, Letizia Monico et ses collègues ont étudié non seulement des micro-fragments de peinture prélevés sur Le Cri mais aussi des échantillons de peintures vieillies artificiellement. Ces dernières ont été préparées avec deux types de jaunes de cadmium historiques : l’un à l’état de poudre, l’autre mélangé avec de l’huile et prélevé dans un tube de peinture ayant appartenu à Munch. Les deux échantillons avaient une composition similaire à celle utilisée pour peindre le lac dans le tableau. Les chercheurs ont alors utilisé le puissant faisceau de rayons X du synchrotron de Grenoble pour analyser les éléments métalliques présents dans les peintures «fraîches» et vieillies artificiellement. «Notre objectif était de comparer les données de tous ces différents pigments afin d'extrapoler les causes de la dégradation des couleurs », explique Letizia Monico.

L'étude montre que le sulfure de cadmium présent dans les pigments utilisés par Munch se transforme en composés de chlorure de cadmium dans des conditions de forte humidité (~ 95% d’humidité relative) et à 40 °C. Cette transformation se produit même en l’absence de lumière.

Pour Eva Storevik Tveit, conservateur au musée Munch, Oslo, Norvège: «Pour conserver et présenter au grand public Le Cri de Munch, il faudra atténuer la dégradation du pigment de jaune de cadmium en réduisant l'exposition de la peinture à des niveaux d'humidité trop élevés (en essayant d'atteindre 45% d'humidité relative ou moins), tout en maintenant l’éclairage aux valeurs standard prévues pour ce type de peinture. Les résultats de cette étude apportent de nouvelles connaissances, qui devraient permettre d’adapter la politique de conservation du Musée. »

«Aujourd'hui, le musée Munch stocke et expose les œuvres d’Edvard Munch à une humidité relative d’environ 50% et à une température d’environ 20°C ; des conditions de conservation qui s'appliqueront également au nouveau musée Munch ouvert à partir du printemps 2020. Cela étant dit, fort de cette étude, le Musée va examiner la politique de conservation, et voir comment ajuster cette politique aux autres œuvres de la collection », explique Irina CA Sandu, scientifique au département conservation du musée Munch.

Les jaunes à base de sulfure de cadmium ne sont pas seulement présents dans les œuvres de Munch, mais également dans celles d’autres artistes qui lui sont contemporains, comme Henri Matisse, Vincent van Gogh et James Ensor.

«La combinaison d’analyses synchrotron avec des investigations macroscopiques in-situ non invasives nous a permis de mieux comprendre le processus complexe de dégradation. Cela peut nous aider à étudier d’autres œuvres souffrant des mêmes dégradations », explique Costanza Miliani, auteure de l’étude et coordinatrice du laboratoire mobile MOLAB (Mobile LABoratory) opérant en Europe dans le cadre du projet européen IPERION CH (Integrated platform for the European research infrastructure on cultural heritage).

Letizia Monico et ses collègues collaborent depuis longtemps avec l’ESRF, le Synchrotron européen de Grenoble, et en particulier avec Marine Cotte, scientifique à l’ESRF et directrice de recherche au CNRS, spécialiste de l’étude de ces pigments et de la préservation du patrimoine culturel. «La ligne ID21 à l’ESRF est l'une des très rares lignes de lumière au monde où nous pouvons effectuer ce type d’analyse, à savoir la cartographie de l'ensemble des échantillons au moyen de la micro-spectroscopie par fluorescence et par absorption des rayons X , à basse énergie et avec une résolution spatiale inférieure au micromètre», explique Koen Janssens, de l’Université d’Anvers, utilisateur de longue date de l’ESRF.

« Ce type d’étude montre que l'art et la science sont intrinsèquement liés et que la science peut aider à préserver des œuvres d'art afin que le plus grand monde et surtout les prochaines générations puissent continuer à les admirer. », conclut Marine Cotte. « La nouvelle source de rayonnement synchrotron, ESRF-EBS, en cours de tests, améliorera encore les performances de nos instruments. Elle nous permettra de réaliser des micro-analyses avec une sensibilité améliorée et un niveau de détail accru. Compte tenu de la complexité de ces matériaux artistiques, de tels développements instrumentaux bénéficieront grandement à l'analyse de notre patrimoine culturel. ”

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Contacts scientifiques :

FRANCE - ESRF

Marine Cotte: marine.cotte@esrf.fr

ITALY-CNR

Letizia Monico: letizia.monico@cnr.it

BELGIUM - University of Antwerp (AXES research group)

Koen Janssens: koen.janssens@uantwerpen.be

NORWAY - Munch Museum

Irina Crina Anca Sandu: irina.sandu@munchmuseet.no
Eva Storevik Tveit: estveit@munchmuseet.no

Contact presse :

Delphine Chenevier, Head of communications, ESRF
Delphine.chenevier@esrf.fr - +33 (0)607161879


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